TF1 et M6 attendent leur lune de miel

Les règles sont claires : un groupe audiovisuel ne peut avoir plus de sept fréquences nationales sur la TNT. C’est ce qui a poussé les groupes TF1 […]

Les règles sont claires : un groupe audiovisuel ne peut avoir plus de sept fréquences nationales sur la TNT. C’est ce qui a poussé les groupes TF1 et M6, en quête de mariage, à se séparer de leur chaîne à petite audience, TFX pour le premier et M6 Génération (6ter) pour le second. L’opérateur Altice qui tient déjà des chaînes comme BFM-TV et RMC en deviendrait alors propriétaire. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), en bon gendarme, a suivi méticuleusement le dossier et a validé cette acquisition le 2 septembre.

Il faut dire que Altice, qui espère ainsi devenir le deuxième acteur pub du petit écran, se montre aussi généreuse que convaincante. Elle s’est engagée à proposer sur ces deux nouvelles chaînes plus de programmes inédits : sur TFX (canal 11), 200 heures en 1re diffusion – en plus de l’engagement de 456 heures de programmes inédits, diffusés entre 14h et 23h ; sur 6ter (canal 22), 900 de programmes en première diffusion, soit une augmentation de 125 % de l’engagement actuel (400 heures). À ceux qui déplorent l’absence d’une offre d’information sur ce genre de chaînes, Altice promet même de dédier au moins quatre premières parties de soirée à des émissions autres que de divertissement, entre 20 h 30 et 21 h 30. Enfin, cerise sur le gâteau, elle maintiendra sa « contribution à la création cinématographique du canal 11 et aux œuvres d’animation du canal 22 ».

Reste que ce mariage du siècle annoncé en mai 2021 et qui pourrait se concrétiser en 2023 est conditionné à l’aval de l’intraitable Autorité de la concurrence. Celle-ci organise un grand oral ces 5 et 6 septembre que d’aucuns présentent comme celui de la dernière chance. Les propriétaires des deux chaînes, déjà géographiquement proches, Martin Bouygues pour TF1 à Boulogne et Thomas Rabe, le patron de Bertelsmann, propriétaire de M6 à Neuilly, devront batailler main dans la main pour convaincre. Car devenir un géant de télévision de près de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires n’est pas si simple. La fusion entre TF1 et M6 apporterait au nouveau groupe – que dirigerait le patron de M6, Nicolas de Tavernost – quelque 75 % des parts de la publicité TV et 35 % de l’audience. Plus qu’un géant, un ogre…

Ses concurrents directs – Canal+ filiale du groupe de Vivendi notamment – ont bien l’intention de monter au créneau pour dénoncer un tel accaparement qui menacerait non seulement l’acquisition de programmes audiovisuels mais aussi une surenchère sur le renouvellement des contrats de distribution. Seront aussi entendus des représentants d’annonceurs également très réticents à voir la concurrence ainsi réduite sur le marché de la pub, mais aussi Pathé ou France Télévisions qui, elle, soutient le rapprochement. Netflix, la multinationale américaine, sera aussi de la partie. Or, c’est bien ce genre de « télé » que TF1 et M6 dénoncent les premiers. Mises à mal par les plateformes Internet américaines et autres sites de streaming (Netflix, mais aussi Amazon et même YouTube et Tiktok) qui prennent de plus en plus de temps d’écoute et d’annonces, elles se devaient de réagir plutôt que de disparaître. À noter d’ailleurs que la prise en compte de la publicité vidéo qui fait le bonheur des rois du streaming devrait mécaniquement réduire la part de marché des deux prétendantes à la fusion…

Ces 5 et 6 septembre vont être cruciaux. La décision de la Haute autorité de la Concurrence, composée de magistrats, universitaires, avocats, dirigeants d’entreprises et représentants des consommateurs, est attendue pour la mi-octobre. La proposition des deux chaînes de séparer leurs régies publicitaires pendant plusieurs années suffira-t-elle ? Rien n’est moins sûr. Il faudra, comme le dit la rumeur, qu’elles aillent jusqu’à céder un canal plus important comme W9, pour diminuer significativement leur part de marché publicitaire. Une autre parade pourrait venir du gouvernement lui-même qui a en effet le pouvoir de contester l’avis de l’Autorité s’il démontre que cette fusion est d’un intérêt général. Question : si le mariage était annulé, la souveraineté nationale accepterait-elle de subir un tel échec ? En mars dernier, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire avait jugé devant le Sénat que le projet des deux chaînes était « légitime »…