Air France : fatigue des pilotes et mutisme du ministre

Ce 17 août, Alter, syndicat minoritaire des pilotes d’Air France et de Transavia, a rendu public un courrier adressé au gouvernement en juillet dernier mettant en garde […]

Ce 17 août, Alter, syndicat minoritaire des pilotes d’Air France et de Transavia, a rendu public un courrier adressé au gouvernement en juillet dernier mettant en garde le ministre chargé des Transports Clément Beaune contre la « fatigue chronique déraisonnable » de son personnel qui menace jusqu’à la sécurité des vols. Fin juin, ce même syndicat avait déjà appelé à une grève pour dénoncer un « danger grave et imminent sur la fatigue des pilotes », éreintés notamment par la hausse des amplitudes de vols.

Le troisième syndicat d’Air France dénonce un manque de personnel criant – pilotes, hôtesses, stewards, mécaniciens, agents au sol – alors que le groupe franco-néerlandais Air France-KLM a fait état fin juillet du triplement du nombre de ses passagers en un an, avec un chiffre d’affaires trimestriel de 6,7 milliards d’euros, dont 324 millions d’euros de bénéfice net ! Les effectifs sont au bord de l’explosion, les tensions sont vives au sein de l’entreprise – « communication anxiogène et violences managériales très compliquées à vivre pour les salariés » cite Alter dans sa missive, 10 % des pilotes d’Air France se déclarant d’ailleurs « en état de dépression ».

Sans réponse dudit ministère, Alter choisit donc de dévoiler sa missive et alerter ainsi sur la politique du chiffre et l’« ambition de rendement » de la compagnie et de son directeur général qui mettent littéralement en péril la sécurité des vols et font « exploser les risques psychosociaux ». Le syndicat annonçait déjà en juin que le patron Benjamin Smith voulait passer d’une rentabilité annuelle de 5 % à 10 % en sortie de crise sanitaire. Cette ambition jugée démesurée passait nécessairement par l’augmentation des cadences et des risques sur les vols des appareils.

Cette course au profit se fait par ailleurs au détriment de l’engagement environnemental de la compagnie, selon le syndicat qui pointe par exemple l’augmentation de la consommation de carburant et des émissions de CO2 de 6 %. Sont également dénoncés la réorganisation des créneaux de décollage qui favorise les vols de loisirs plus rentables de sa filiale Transavia, le choix porté sur de remplacer l’Airbus A320 par l’A220 ou encore l’appel à des pilotes instructeurs d’Airbus Canada faute d’avoir pu former de nouveaux pilotes, avec les risques que ces changements augurent.

Air France a assuré pour sa part que « la sécurité des vols, de ses clients et de ses équipages est sa priorité absolue » et qu’elle respecte largement les temps de repos de son personnel. La compagnie a ajouté que pour répondre, en termes d’effectifs, à son programme ambitieux de développement, le recrutement de quelque 700 pilotes pros et cadets a commencé en avril 2021 et devrait s’achever fin 2022. Reste que le mutisme du ministre de tutelle est critiqué, sinon pas compris. « Faut-il attendre qu’un pilote ferme les yeux pour qu’il ouvre les siens ? », interroge-t-on.