Les cadres valent et veulent mieux

Selon l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), les entreprises veulent toujours embaucher des cadres, mais de moins en moins… Publié aujourd’hui, son baromètre réalisé sur un […]

Selon l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), les entreprises veulent toujours embaucher des cadres, mais de moins en moins… Publié aujourd’hui, son baromètre réalisé sur un échantillon de 1 000 entreprises souligne que seulement une entreprise sur dix à l’intention de recruter un cadre ce troisième trimestre. Une tendance à la baisse : il y a trois mois, 13 % des entreprises l’envisageaient. En cause bien évidemment, la guerre en Ukraine et ses effets sur l’économie. Depuis le début de l’invasion, les entreprises, déjà bien marquées par des années de Covid-19, vivent dans une espèce d’incertitude chronique…

L’enquête apporte une précision de taille. 84 % des entreprises anticipent surtout qu’elles auront du mal à embaucher, contre 78 % en mars dernier, un chiffre qui stagnait depuis septembre 2021 – avec 30 points de plus qu’en septembre 2020, le chiffre atteint un record. Ainsi, si elles ne se précipitent pas pour embaucher, elles ont surtout du mal à trouver leurs perles rares. Il faut dire que les cadres, aussi, accusent le coup des crises à répétition : pandémie, changement de paradigmes, télétravail, guerre, coût de l’énergie, pouvoir d’achat en baisse… En 2021, face au rebond du marché de l’emploi (269 100 recrutements contre 228 700 en 2020), l’Apec qui avait mené l’enquête incitait déjà – avec raison – à la prudence, les effets des longues crises étant pernicieux.

Aujourd’hui, ce frein au recrutement témoigne d’une insatisfaction des salariés. Les cadres revendiquent de plus en plus leur envie de mobilité, favorisée par l’essor du télétravail : 34 % d’entre eux veulent changer d’entreprise dans l’année qui vient – et ce chiffre est certainement plus élevé dans les grandes agglomérations, polluées et stressantes. Face à la chute de leur pouvoir d’achat, ils espèrent trouver une meilleure rémunération ailleurs (quasiment un cadre sur deux), mais aussi avoir une vie plus agréable. L’an dernier, un jeune sur cinq considérait déjà son emploi comme alimentaire. On ne fait pas ce qu’on aime… mais il faut manger. D’où cette propension à partir dès que l’occasion se présente. « D’où aussi les démissions et les licenciements à l’amiable, jure Sébastien, cadre parisien de 32 ans qui veut lancer sa propre entreprise de conseil. J’en connais qui partent pour changer de cadre, remplacer le béton par des arbres. »

Le salaire reste le sujet d’insatisfaction principal, accentué par la crise. On s’attendait à ce que l’inflation exceptionnelle incite les entreprises certes à des augmentations (46 % d’entre eux en avaient perçu en 2021 contre 38 % en 2020), mais à des niveaux exceptionnellement hauts en 2022. Il semble que la désillusion soit grande : le mieux salarial reste modeste et toujours inégal entre femmes et hommes (une différence de 15 % entre en 2021). « Et puis cadre dans quoi et où ? », interroge encore Sébastien. Nombre de secteurs prisés restent frileux, comme l’industrie automobile ou l’aéronautique, la communication ou les médias. D’autres comme l’hôtellerie, la restauration ou la banque ne convainquent pas « parce qu’ils forcent à vivre pour travailler au lieu de travailler pour vivre », confie le jeune diplômé qui pense sortir de la capitale alors que l’Île-de-France concerne presque la moitié des embauches de sa catégorie…

L’Association des cadres estime que ces difficultés à l’embauche menacent véritablement le développement économique des entreprises. « Une menace… [mais pas pour autant] une fatalité. » Deux motifs d’espoir : primo le volume des offres d’emploi est important chez les cadres, dépassant même le niveau d’avant la crise sanitaire : 164 700 en 2022 contre 139 200 en 2019, soit + 18% ; secundo, le potentiel des jeunes et des seniors disponibles, « un vivier de compétences qui aspirent à travailler », est bel et bien disponible, note le directeur général de l’Apec, Gilles Gateau.