Fondé il y a près de dix ans, Doctolib, géant français de la prise de rendez-vous médicaux en ligne et de la téléconsultation s’auréolait encore en […]
Fondé il y a près de dix ans, Doctolib, géant français de la prise de rendez-vous médicaux en ligne et de la téléconsultation s’auréolait encore en mars dernier d’une nouvelle levée de fonds de 500 millions d’euros, annonçant à la volée la création de 3 500 emplois ces cinq prochaines années – 700 emplois en 2022 –, en France, Allemagne et Italie. Aujourd’hui, le groupe vit son premier souci de santé sur les réseaux sociaux, subissant les coups de chaud des professionnels mais aussi des patients. En cause, la présence sur sa plateforme de naturopathes.
Selon les internautes, qui critiquent la politique du chiffre du groupe au détriment de la santé, permettre ainsi aux utilisateurs de la plateforme de prendre rendez-vous chez des pseudo-spécialistes qui n’ont rien à voir avec la médecine revient à les cautionner. Les naturopathes sont dénoncés comme de faux médecins surfant sur la détresse humaine et tenant plus de charlatans. Au cœur de ces critiques, les références des « praticiens » à deux grands influenceurs de la neuropathie… discrédités dans le monde médical. Signalé à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, le crudivoriste Thierry Casasnovas, créateur de « RGNR, Nous c’est la santé », très suivi sur YouTube, propose un régime anti-cancer à base de légumes crus. Irène Grosjean, 92 ans, qui monnaye ses formations accélérées à des centaines d’euros, encourage les attouchements sexuels pour soigner la fièvre des petits, le toucher d’un clitoris stimulant le système sympathique et le fortifiant…
Les médecins ont été les premiers à s’offusquer de la place donnée à ces médecines parallèles qui font un diagnostic en regardant des iris (iridologie), promeuvent l’autoguérison ou la circulation énergétique… et même « l’urinothérapie » – boire son urine entretiendrait sa santé. À quand l’arrêt d’une chimiothérapie par une patiente au motif qu’elle croira pouvoir se guérir toute seule ? Ou le troc d’un traitement médicamenteux contre une séance de désenvoûtement oculaire ?… Ces pseudoscientifiques travaillent par ailleurs en réseau et se renvoient régulièrement leurs clients (clients et non pas patients !), ajoute-t-on. Et leurs tarifs dépassent largement ceux des médecins conventionnés, jusqu’à 80 euros la séance ou la consultation.
Conséquence de ce tollé, Doctolib a dû suspendre ce 22 août dix-sept de ses profils et a annoncé « engager un travail de fond avec le comité médical du site, les ordres et les professionnels de santé » avant de prendre des mesures. Ces profils se réclament précisément des deux figures de la naturopathie épinglées sur les réseaux. L’entreprise rappelle en outre que 97 % des praticiens utilisateurs sont référencés auprès du ministère de la Santé et reconnus par l’État (médecins, dentistes, sages-femmes, infirmiers, mais aussi psychologues et ostéopathes). Les professions du bien-être (sophrologues, hypnothérapeutes et autres naturopathes) sont certes non réglementées mais tout à fait légales et ne représentent que 3 % des 170 000 praticiens. Les chiffres des naturopathes : 0,4 % sur la plateforme pour 0,06 % des rendez-vous ! Marginal.
Au demeurant, la naturopathie n’est pas non plus un gros mot – le jeune intermittent par exemple fait de nombreuses émules, se soigner naturellement n’est pas mortel… L’OMS elle-même la décrit comme l’utilisation de moyens naturels et biologiques pour renforcer les défenses de l’organisme. Si le débat a enflammé la toile, le leader de la e-santé en Europe veut d’ailleurs relativiser son rôle. Médecine parallèle ? Peut-être. Mais dès lors que ces pratiques sont légales et ont leur public, il n’y a pas de raison de les interdire. Doctolib n’a pas pour fonction de juger de l’efficacité des pratiques, de décider qui doit exercer ou de mettre sur un pied d’égalité tel médecin diplômé et tel pratiquant de santé alternative. Il n’est pas un gendarme… entendu que s’il ferme l’accès aux naturopathes, ceux-ci se feront répertorier sur des plateformes concurrentes. Au mieux, s’est-il engagé à surveiller les profils des professionnels non reconnus. À la loi de faire le reste si elle l’estime nécessaire.